vendredi 21 décembre 2007

Strapping Young Lad - BLAST OFF

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En 1993 le monde du metal découvre un drôle de gamin chantant sur le seul album de guitar-hero indispensable à toute bonne discothèque : Sex & Religion, de Steve Vai (prière de prononcer Vaille – sinon le hardos se fâche). Il s’appelle Devin Townsend, a à peine vingt-et-un ans et est alors totalement inconnu au bataillon mis à part pour quelques élus suivant les forts obscurs Noisecapes. Personne ne s’attend vraiment à le revoir de sitôt (ses débuts chez Vai, la plupart des gens s’en sont rappelés a posteriori)… sauf que Townsend n’est pas du genre qu’on oublie facilement, ne fût-ce qu’en raison de sa productivité démente. Entre Sex & Religion et Fire Garden (le Vai suivant, auquel il participe à nouveau), le canadien fou aura en effet enregistré pas moins de quatre albums – et non des moindres.

Formé avec le batteur des cultissimes Death Gene Hoglan, le guitariste Jed Simon et surtout le remarquable bassiste Byron Stroud, Strapping Young Lad sera donc le premier joujou de celui que d’aucuns surnomment affectueusement le Zappa du metal, son joujou de jeunesse, son joujou qui fait du bruit (et de la fureur). Quoiqu’inégale, la première salve du groupe en 1995, fort bien nommée Heavy as a Really Heavy Thing, laisse espérer le meilleur quant à l’avenir du thrash atomique. Dont acte : City, second album de Strapping Young Lad mésestimé à sa sortie, s’est depuis largement imposé comme l’un des plus grand disques du genre. Entre temps Townsend s’est épanoui au sein de deux projets parfaitement antagonistes (Punky Brewster, parodie du revival punk californien alors très en vogue ; Ocean Machine, rock atmosphérique fabuleux, Biomech étant sans aucun doute le chef-d’œuvre du bonhomme tous projets confondus), a acquis une maîtrise technique et mélodique très supérieure à celle qui était sienne en 1995… et City de devenir une bombe post-métallique aussi hilarante (car le garçon a de l’humour) qu’ultra brutale. Il faut dire que derrière Townsend le trio assure, qui a appris beaucoup au cours des deux dernières années à force d’ouvrir pour les plus grands noms du metal, du hardcore ou de la fusion.

Pourfendant les clichés du heavy avec une évidente jubilation, Strapping Young Lad ne se contente cependant pas de rigoler : Townsend y fait au contraire preuve d’une remarquable acuité mélodique, comme s’il voulait secrètement réussir à injecter de la pop dans l’ultra-violence… impossible, direz-vous ? Pas sûr : les formats des morceaux sont on ne peut plus pop, un titre comme « Home Nucleonics » on ne peut plus groovy… alors oui, Townsend met au service de son groupe de furieux tout le savoir-faire pop qu’il a amassé au sein d’Ocean Machine. Quand Heavy As A Really Heavy Thing donnait l’impression d’un disque bourrin partant dans tous les sens, City recentre le propos, revient aux fondamentaux d’un metal violent et direct, sans fioritures mais pas sans relief. Dans la droite ligne, en somme, du Reign in Blood de Slayer.

Alors les chansons s’enchaînent dans un improbable magma sonore que les ignares qualifièrent à l’époque d’alternative-metal à cause de sonorités indus des plus lointaines. « AAA », classique en devenir, est du genre brut de chez brut, quand « All Hail the New Flesh » la joue plus fine, comme un boxer tourbillonnant autour de son adversaire pour lui coller un bon coup mortel derrière la nuque (ok : pas très noble, cet art-là – SYL fait plutôt dans la boucherie). Quant à la voix… si vous cherchiez désespérément plus barré que Mike Patton, Devin Townsend est pour vous !

Bizarrement à l’époque cet album-là n’a pas eu un succès massif. On se demande bien pourquoi tant c’est supérieur à quasiment tous les disques de metal publiés cette année-là… il fallut attendre 1998 et la publication européenne du… Biomech, d’Ocean Machine, puis d’Infinity, premier et grandiose opus solo de Townsend, pour que City connaisse une seconde jeunesse et soit replacé dans sa juste lignée, celle des grands chefs-d'oeuvre du metal zarbi (aux côté de l'Obsolete de Fear Factory et, évidemment, de l'intrégrale Voïvod). Etrange. Le moins qu’on puisse dire, en tout cas, c’est que Devin n’a pas tellement surfé sur la vague, puisqu’il a tenu ce tout premier projet en silence pendant presque sept ans avant de ressurgir plus rageur que jamais en 2003. Dix ans après, donc, voici City réédité enfin dignement, disponible dans tous les bons supermarchés du disque et prêt à être redécouvert par les plus réfractaires au metal extrême. Que demander de plus ? City est peut-être le plus grand disque de metal de son temps. C’est dit.


👑 City 
Strapping Young Lad | Century Media, 1997


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