jeudi 8 novembre 2007

Letting Go - Copie proprette

...
Voilà des années que je voulais lire le premier roman de Philip Roth (quoique certains considèrent que ce titre revienne plutôt au récit inaugural – et éponyme – de Goodbye Columbus, ce qui se défend), hélas introuvable depuis des lustres. Aussi ai-je sauté de joie (vraiment) en apprenant que suite au succès d’ Everyman l’an dernier, ainsi qu’à une momification précoce (Roth est désormais l’un des très rares élus à avoir reçu de leur vivant les faveurs de la Library of America – Pléiade ricaine ni plus ni moins), Vintage avait décidé de rééditer les premières œuvres trop longtemps indisponibles de l’auteur chouchou du Golb. Le voilà donc, ce roman ! Dont la nouvelle sortie compense un trou de pas loin d’une décennie (1958 / 67) dans la biblioraphie rothienne.

Publié en 1962, Letting Go devait forcément être le chaînon manquant entre les débuts prometteurs (mais parfois poussifs) de Goodbye Columbus et le premier chef-d’œuvre qu’était When She Was Good. Obligatoirement. Sinon, comment expliquer les disparités qualitatives aussi bien que thématiques entre ces deux autres livres ? Hein, comment ?

Las : Letting Go ne répond pas tellement à ces questions. Moins, en tout cas, que certaines réflexions nichées au cœur du tardif Zuckerman Unbound. Son histoire, même, semble en tout point unrothian : un soldat récemment libéré de ses obligations en Corée se colle aux côtés d’un couple prétentieusement arty afin de comprendre et d’assimiler ce monde des lettres qu’il admire tant. Se livrant à une véritable étude de mœurs, il va au cours de ses pérégrinations faire une rencontre qui bouleversera sa vie et…

… moui, j’ai l’air de raconter ça sans conviction, pas vrai ? C’est-à-dire que même en faisant des efforts, il faut bien dire que rien dans le premier roman de Philip Roth n’indique les chemin (dorés) qu’il va prendre durant les années à venir. Oh bien sûr, c’est bien. Intelligent, raffiné, plein de cette espèce d’acuité qui permet à Roth de percer la cuirasse de n’importe quel personnage… mais il y manque la Roth’s touch, cette fantaisie, cette (auto)dérision caractérisant absolument tous ses livres à partir de 1967. Date à la quelle il deviendra un arrogant extrêmement attachant tant il s’amuse de cette arrogance. Alors qu’en 1962… il n’est, si j’ose dire, qu’un arrogant arrogant. Qui démontre de belles qualités stylistiques, une véritable vista dans l’étude de caractère… tout en manquant, pour tout dire, de personnalité. La manière dont il cite à outrance Henry James ou Thomas Mann… et puis ces remerciements adressés à son prof de fac… ce côté fresque surdocumentée… oui, sûrement le jeune Philip Roth a-t-il bien appris sa leçon. Il pastiche Faulkner à la perfection, parodie Fitzgerald avec une certaine classe… mais Letting Go, dans son ensemble, n’est qu’un travail appliqué signé par un très bon élève un peu lourd – de ceux qui s’amusent à essayer de prendre le prof en défaut parce qu’ils ont besoin de son approbation pour se sentir doués. En l’état bien sûr c’est un livre plutôt pas mal quoiqu’un poil long. C’est surtout un livre un peu trop lisse pour réellement remporter l’adhésion.

Le moins qu’on puisse dire est que Philou a bien fait par la suite d’aller taguer les tables du fond de l’amphi.


Letting Go [Laisser courir] 
Philip Roth | Vintage, 1962