mardi 27 novembre 2007

Because the Night - Grateful Death

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Quatrième roman d’Ellroy, second volet de la trilogie mettant en scène Lloyd Hopkins, Because the Night fait partie de ces romans noirs obsédants qui se posent là dans le genre différence entre le noir et le polar. Quelle différence ? me direz-vous. Eh bien on pourrait résumer les choses ainsi : quand le roman policier propose des solutions, le roman noir se contente de poser des questions. D’angoisser, de faire frémir. A la fin du polar selon son acceptation originelle, la société est rassurée. Au terme du noir même lorsque le danger est écarté la sécurité demeure une notion très relative – et la paix un fantasme. Chandler, Spillane et plus encore Thompson posèrent les bases du genre il y a bien longtemps. James Ellroy, qu’on l’aime ou non (et le lecteur habité du Golb sait que je ne suis pas son plus grand fan), est assurément l’un des seuls auteurs vivants à pouvoir se réclamer de cette filiation sans avoir à rougir. Et si depuis quelques années certains détracteurs se font entendre, goisant sur le mode Quel petit prétentieux tout de même, cet Ellroy ne nous y trompons pas : oui, Ellroy a un ego de la taille d’une pastèque mutante. Mais tant qu’il aura les moyens de cet ego il restera intouchable.

Dans Because the Night, Lloyd Hopkins enquête sur la mort d’un collègue, de manière somme toute assez traditionnelle : cette trilogie (entamée la même année avec Blood on the Moon et conclue en 1986 avec Suicide Hill), pour n’en être pas moins passionnante, n’est sans doute pas ce qu’Ellroy a fait de plus novateur. Le héros ressemble à beaucoup de héros de romans noirs avant lui, l’enquête part d’un postulat somme toute très classique (avec l’histoire personnelle du flic rejoignant de manière – voudrait-on – imprévue l’affaire sur laquelle il bosse), les obstacles n’ont rien de très exceptionnels pour quiconque a déjà lu du Chandler ou du Hammett.

Et pourtant Because the Night surclasse largement le tout venant du genre. Non seulement grâce à une écriture parmi les plus grandioses qu’on puisse trouver de nos jours, mais aussi par un refus de ce simplisme narratif régnant sur l’univers hardboiled depuis les derniers coups de griffe de l’immense Jim Thompson au début des 70’s. Dans ce roman, le héros n’est pas uniquement Hopkins, mais ce Voyageur Nocturne sur lequel il enquête. Un mystérieux personnage, psychanalyste le jour et serial-killer la nuit, détournant les secrets de ses patients pour acquérir un pouvoir sans borne – celui de la connaissance. Un chapitre sur deux lui est consacré, et un chapitre sur deux est absolument GÉNIAL. Dès lors, l’intérêt du livre ne réside plus vraiment dans la traque mais dans ce moment attendu avec une impatience mêlée d’angoisse où les deux histoires vont enfin fusionner en une seule – et les deux personnages se retrouver face à face… si tant est que chacun survive jusqu’ici. Car tout le sel de cette intrigue n'est justement pas : Comment Hopkins va t'il coincer le Voyageur ?... mais plutôt... Comment le Voyageur va t'il échapper à Hopkins ?

Vous avez bien lu : ce schéma n’est autre que celui du Heat de Michael Mann. On l’y retrouve en filigranes, tout comme une bonne partie des filons dont use et abuse un Michael Connelly de nos jours. C’est vous dire l’influence d’un roman qui, s’il n’est pas parfait, n’en demeure pas moins extrêmement puissant.


👍👍 Because the Night 
James Ellroy | Vintage, 1984