mardi 8 mai 2007

The Professor of Desire - Le Bonheur dans le sexe ?

...
The Professor of Desire est le second volet de la David Kepesh Trilogy (entamée en 1973 avec The Breast et refermée en 2003 avec The Dying Animal) ; ce n’est pas le meilleur (l’humour corrosif du premier volet est inégalable), mais ce n’est pas le moins intéressant – et pour cause : The Professor of Desire met en scène un universitaire juif explorant au cours d’un voyage en Angleterre tout un nouvel empire de sens.

Toute ressemblance avec des faits ou personnages ayant réellement existés étant (bien sûr) purement fortuite, impossible de ne pas noter que la David Kepesh Trilogy cristallise en moins de sept cents pages absolument tous les clichés collant à la peau de Philip Roth depuis des décennies. Le côté obsédé sexuel libidineux adorant citer des grands auteurs entre deux parties de jambes en l’air dans sa bibliothèque (qui atteindra son apogée dans l'ultime épisode de la série) découle principalement de ces trois courts bouquins, jetant un voile opaque sur quasiment tout le reste de l’œuvre (autrement plus complexe, comme on s’en doute). Pourtant, le hasard n’existe pas : c’est précisément The Professor of Desire qui mettra à la fin des années soixante-dix le feu aux poudres d’une carrière qui commençait à stagner un peu depuis l’explosion de Portnoy’s Complaint une décennie plus tôt. Avec notamment l’appui de Kundera qui, le premier, qualifiera alors Philip Roth de plus grand écrivain vivant.

On pouvait difficilement imaginer plus bel exemple de malentendu : The Professor of Desire, petit roman drôlatique, n’est pas le manifeste d’un génie provocateur… mais, plus prosaïquement, une charmante petite fantaisie érotique, le seul livre de Roth qui puisse réellement justifier sa réputation de pornographe lettré. Et encore : il y a là un peu trop de considérations existentielles pour qu’on soit réellement excité durant la lecture.

C’est que David Kepesh, et c’est ce qui le rend plus sympathique que le premier obsédé sexuel venu, se pose beaucoup de questions et n’adore rien plus que de nous les faire partager. Ancêtre putatif des personnages de Houellebecq (en plus intello et plus sympathique tout de même), il s’emmerde profondément dans la vie et cherche, passez-moi l’expression, à expier dans le sexe. Tout ce qui peut lui apporter un peu de satisfaction semble bon pour lui, donc les femmes, donc leur corps, donc leur plaisir… Là où le bât blesse (et où le roman se fait nettement plus séduisant que le premier gribouillage porno venu) c’est que Kepesh prend infiniment plus de plaisir à en parler qu’à le faire (quand bien même contrairement au vieil adage ce n’est pas celui qui en parle le plus qui en mange le moins, loin s’en faut en ce qui concerne notre narrateur). N’étant pas à proprement parler une sex-machine (Get uuuuuuuuup!) David se cherche, bavarde, discute, se perd en conjectures, et en vient presque à devoir parler avant pendant et après pour réellement s’éclater. En somme il fornique via le langage, ce qui n’est certes pas totalement inédit mais n’en demeure pas moins une manière originale d’aborder l’érotisme et la sexualité. Non contente d’être profondément cérébrale, sa vie sexuelle se fait de plus en plus orale (au sens parlée – n’allez pas y voir de ma part une quelconque allusion graveleuse), donc tout à la fois étonnamment littéraire et passablement foireuse.

Partagé entre le fou rire et la consternation, le lecteur ne manquera pas de se demander si c’est de l’art ou du cochon… théoriser le sexe n’est en effet pas le meilleur moyen de stimuler le désir, de même que le morceau de musique le plus technique est rarement le plus émouvant. Pour autant la véritable question qu’on se pose ici c’est si Roth est réellement comme ça où s’il a créé un personnage comme ça juste pour se payer sa tronche. Je penche personnellement pour la seconde hypothèse, mais force est d’admettre que l’auteur préserve les ambiguïtés jusqu’au terme de ce roman plus savoureux que sulfureux…


👍 The Professor of Desire [Professeur de désir] 
Philip Roth | Vintage, 1977