lundi 26 mars 2007

Depeche Mode - Noirs désirs...

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A sa sortie en 1986, Black Celebration a des airs de résurrection. Car cinq après le succès de Speak & Spell qui précéda de peu l’éviction de Vince Clarke, Depeche Mode s’est éloigné des sentiers battus des charts, témoignant d’un courage artistique comme il y en a peu mais pour un résultat souvent très décevant… ne nous y trompons pas : certes on trouvera toujours quelques illuminés pour penser que Speak & Spell est le meilleur disque du groupe, néanmoins la plupart des gens préfèrent « les premiers Depeche Mode » – et par-là ils entendent en fait (plus ou moins consciemment) : « Depeche Mode à partir de 1986 ». Il faudrait en effet être soit un fou soit un snobinard ne l’ayant jamais écouté pour considérer que le chef-d’œuvre de DM soit un truc aussi moche que Construction Time Again (au pif – la remarque vaut pour n’importe lequel des quatre premiers disques).
 
Pochette bizarre, titre flattant ce qui reste des gothiques dans le sens du poil (en 1986 le mouvement est déjà sévèrement essoufflé), et voilà Depeche Mode qui durcit le ton en même temps que le son sur ce qui constitue son meilleur album des années 80. Martin Gore semble avoir enfin compris que les expérimentations électroniques ne servaient à rien si elles n’étaient pas mises au service de compositions dignes de ce nom, et voilà comment la machine à bricoler des sons tordus (et occasionnellement craignos) redevient la machine à tubes qu’elle avait cessé d’être depuis 1981. Dès l’intro du pugnace « Black Celebration », la différence avec les précédentes productions saute aux oreilles… le groupe s’émancipe de ses influences, crée un son qui lui est propre (qu'il conservera toujours avec des variantes selon les évolutions technologiques), bref : se trouve enfin, à l’image de Dave Gahan dont la voix grave et sexy rayonne sur l'ensemble de l'album. "A Question of Lust", quand à elle, est introduite par un synthé menaçant, lourd… de la heavy-electro ? Why not ? En tout cas, il est indéniable que la musique de Depeche Mode à partir de 1986 et jusqu’à la fin des années 90 sera plus dure, plus massive, voire même monolithique (« A Question of Time », « Dressed in Back »)… tout en demeurant atmosphérique et relativement sensuelle. Là nous touchons à tout ce qui fait le génie de cet album, voire même de tous les albums du groupe à compter de Black Celebration et ce jusqu’à Ultra (1997) : il a su s’ouvrir vers de vraies mélodies et de vraies chansons au potentiel commercial surpuissant (« Stripped ») sans jamais cesser d’être créatif, original, expérimental. Non pas en claquant un single en devenir sur un album plus complexe, mais en bâtissant tout le disque sur cette base – autant dire qu’ils ne sont pas nombreux dans ce cas.

C’est donc un tout nouveau Depeche Mode qui aura été présenté ici : plus sobre, plus mélodique et résolument plus rock. Plus humain, aussi, cet aspect de l’œuvre étant dévolu à un Gahan enfin émouvant lorsqu’il se plaint d’« another black day ». En somme, le groupe se retrouvera dès lors en marche vers le succès de masse. Qui se confirmera dès l’année suivante avec l’imparable… Music for the Masses…que demande le peuple ?


👑 Black Celebration 
Depeche Mode | Mute, 1986