lundi 13 novembre 2006

Pavement - Les Sentinelles Sordides

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Je m’étais promis de ne pas craquer… bah ce ne fut pas une réussite !
 
C’est un peu une tradition : chaque fois que Stephen Malkmus sort un nouveau disque solo, une réédition de son ancien groupe paraît juste avant ou juste après. Celle-ci paraît trois mois après – pour booster des ventes pitoyables argueront les mauvaises langues. Soit. Il n’empêche que des rééditions de ce niveau, on n’en voit pas tous les jours. J’irai même jusqu’à dire que depuis que je tiens ce blog, il n’y en a pas encore eu. Si exploitation commerciale il y a probablement (ce disque a déjà été réédité il y a trois ans), elle force le respect, voire l’admiration.
 
Reprenons : Pavement, déjà, n’est pas le premier groupe venu. Pavement a carrément inventé un genre musical. Certains appelaient ça lo/fi, mais comme ça n’a aucun sens en français on va dire « pop déglinguée » - c’est plus mignon.
 
Pavement n’est pas non plus le premier groupe lo/fi venu : la preuve, même ses ex-membres sont totalement incapables de se transcender depuis le spit.
 
Pavement ne réédite pas ses disques n’importe comment : comme Slanted & Enchated [Luxe & Reduxe] et Crooked Rain Crooked Rain [LA’s Desert Origins], Wowee Zowee (désormais sous-titré Sordid Sentinels Edition) est carrément devenu un nouvel album. Le son n’a pas changé d’un poil. En revanche, on est passé de dix-huit titres à cinquante. Mazette ! et pas des démos, des versions alternatives ou ce genre de merde, non non : des vraies chansons inédites. Mais d’où sortent-il ces trucs ? il y a en tellement qu'on se demande s’ils ne les ont pas enregistrés pour l’occasion !


Par ailleurs, Wowee Zowee est un disque auquel je suis déjà à la base particulièrement attaché. Pur esprit de contraction : tout le monde l’oublie tout le temps. En 1995, la mode lo/fi était déjà en train de s’éteindre. Du coup, cet album n’a pas marqué les mémoires comme les deux classiques susmentionnés. Pourtant il est aussi bon, voire même meilleur. Disons que c’est le dernier chef-d’œuvre du groupe (les deux opus l'ayant suivi restant largement supérieurs à la moyenne).
 
Evidemment, définir le "son Pavement" est pour le moins délicat, car le (la ?) lo/fi, par définition, ça ne ressemblait à rien. Ou alors à tout… enfin personne n’a vraiment trop su en donner une définition. Globalement, ça ressemblait à du rock indé américain façon Dinosaur Jr (encore un groupe sur lequel j’espère revenir, d’autant qu’on annonce son come-back) sauf que ç'avait avalé de la folk, plein de petits artifices électronico-acoustico-électriques et que parfois les guitares étaient saturées jusqu’à vous en faire péter les tympans. Et Pavement, en bon parrain du genre, était le Summum de l’Apogée du Zénith de ce n’importe quoi génial. Pavement était le Maëlstrom du foutage de gueule. Les paroles n’avaient aucun sens, c’était chanté totalement faux (il y a à peu près autant de points communs entre Stephen Malkmus et un bon chanteur qu’entre moi et Flaubert), c’était le règne de la déjante et du n’importe quoi...
 
De ce point de vue, Wowee Zowee est sans aucun doute l’un des disques les plus accessibles du groupe originaire de Stockton, Californie. Le début, avec des titres calmes et apaisants comme « We Dance » et « Black out », n’aura d’ailleurs pas manqué de désorienter les fans à l’époque – dont votre serviteur. Heureusement, il reste « Serpentine Pad », déflagration sonique non identifiée qui renverra la moitié des groupes revival rock au bac à sable. Ouf !
 
Mais c’est vrai qu’avec encore « Fight This Generation » et « Father to a Sister of Thought », ce disque navigue tout de même dans des sphères moins barrées, plus mélodiques et plus pop que ses deux illustres prédécesseurs… tant mieux ? Oui, tant mieux ! Dire qu’à l’époque on a reproché à cet album de trop ressembler à du Pavement pour être honnête. « AT & T », le chef-d’œuvre de la plage 12, n’aurait pourtant sans doute jamais pu figurer sur Slanted & Enchanted ou Crooked Rain. Bon, que personne ne s’affole surtout : ce n’est toujours pas une musique totalement saine d’esprit. Même épuré, Pavement reste Pavement, et si je vous disais que c’est totalement clean et pas du tout secoué vous me prendriez pour la plupart pour un illuminé en entendant « Best Friend Arm » ou le désopilant « Extradition ». Pour ceux qui ne connaissent pas, il suffit d’essayer d’imaginer le croisement entre Jimi Hendrix, un chat qui couine et un micro-onde… vous y êtes ? Non ? Bon bah écoutez, j’aurais fait de mon mieux. De toute façon, c’est un chef-d’œuvre, achetez-le et puis voilà. Non mais ! il y a des choses qui ne se discutent pas.
 
La morale de cette histoire est que, parfois, les rééditions ne sont pas que des trucs inutiles. Ainsi, celle de Wowee Zowee ravira les fans, parce que même s’ils l’ont déjà, il y a tellement d’inédits (« Panted Soldiers ») de lives (« Heaven Is a Truck ») et de faces B (« Kris Kraft ») qu’ils seront comblés. Mais elle comblera aussi l’auditeur occasionnel, qui pourra jeter son dévolu sur l’édition originale vendue moins chère et déjà parfaite en soi pour quiconque ne connaît pas le groupe.
 
Bref, y en aura pour tout le monde !


👑 Wowee Zowee [Sordid Sentinels Edition] 
Pavement | Matador, 1995 (2006)