mardi 12 septembre 2006

John Cale - Merveille pop

...
En quittant le Velvet Underground après le mythique (mais très vain) White Light/White Heat, John Cale s’est lancé dans une entreprise complexe et imprévisible, une carrière solo qui n’a jamais vraiment été fructueuse en terme de ventes (sinon en 1981 avec le 45 tours « Honi soit ») mais a en revanche comblé les amateurs d'Objets Musicaux Non Identifés. Durant douze années (de Vintage Violence en 1970 à Music for a New Society en 1982), un état de grâce somptueux va entourer les premières livraisons "anti-rock" d’un John Cale n’ayant rien à envier à Bowie pour ce qui est de savoir se métamorphoser.

Certes, John Cale en solo n’aura jamais connu le même succès que son ex-camarade Lou Reed ; mais c’est avant tout de son fait : Reed a foncé tête baissée sur les autoroutes de la pop tandis que Cale a préféré prendre des chemins de traverse, et collaborer avec des noms aussi prestigieux que ceux de Terry Riley, LaMonte Young ou encore John Cage.


Aujourd’hui réédité, Paris 1919 bénéficie enfin d’un son quasi parfait et c’est une bonne nouvelle. Quatrième effort post-Velvet de celui qui fut également le producteur de Nico, des Stooges et plus récemment de Siouxsie & The Banshees, cet album s’amuse à prendre à revers le public : alors que son prédécesseur, The Academy in Peril, était une œuvre presque uniquement instrumentale qu’on peut quasiment considérer comme un disque de musique classique, voilà que celui-ci présente un John Cale dandy pop brossant des mélodies raffinées comme « Graham Greene » ou « Antartica Starts Here » (magnifique plage finale).

Qui dit retour à la pop ne signifie pas pour autant retour à des choses plus traditionnelles. Songwriter anticommercial s’il en est, Cale n’a jamais été du genre à caresser le public dans le sens du poil : « Half Past France », « Macbeth », « The Endless Plain of Fortune »... se démarquent totalement des standards de l’époque via des arrangements extrêmement complexes et sophistiqués dont on peut décemment se demander s’ils datent réellement de 1973… quand on compare ces morceaux aux travaux d’un groupe comme Elbow, ou à ceux de Divine Comedy pour les plus kinksiens, il n’est pas interdit de s’interroger sur l’influence prépondérante d’un artiste qui cette années écumait les petites salles françaises devant un par terre composé de seulement quelques dizaines de fidèles… Car, aussi tragique que cela puisse paraître, c’est bel et bien ce que faisait Cale il y a seulement quelques mois pour promouvoir un nouvel album, Black Acetate qui n’a, comme de juste, intéressé personne.

Raison de plus pour redécouvrir ce Paris 1919 dont l’arrogance créatrice ferait passer n’importe quel chouchou des Inrocks pour un boys band.


👑 Paris 1919 
John Cale | Reprise, 1973