lundi 3 juillet 2006

Même pas mal. Même pas honte.

[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°25]
Daholympia - Étienne Daho (1993)

Après notre série « comment se faire détester des fans de » voici le premier volet de notre nouvelle série : « comment se faire détester, tout court ».

Il paraît que c’est assez mal venu d’aimer Etienne Daho. En fait, il paraît qu’on a le droit, mais qu’il ne faut pas le dire. Alors le mettre dans un Top 100, vous imaginez le bordel !

Pourquoi ce disque là ? Déjà, parce qu’on me l’a offert et que sa valeur à mes yeux n’a d’égale que mon amitié pour la personne en question. C’est une raison subjective que d’aucuns pourront toujours discuter, il n’empêche que c’est malheureusement difficile d’aller contre ce motif.

Mais des albums de Daho, j’en ai plein (euh non, je rectifie : je les ai tous). J’ai choisi ce live en particulier parce qu’à mes yeux c’est vraiment son meilleur disque. Des albums lives, vous n’en trouverez pas beaucoup dans cette rubrique ; je ne suis pas spécialement friand de l’exercice. Pourtant certains artistes ou groupes font exception à cette règle selon laquelle l’album live est un rituel mercantile auquel on doit sacrifier un jour. Etienne Daho (qui en a tout de même publié quatre !) est de ceux-là : le disque live est certes un exercice imposé par les maisons de disques, mais ça ne l’empêche pas de peaufiner le travail à chaque fois. Il faut dire que, pour en avoir vu des mes yeux vus, un concert d’Etienne Daho n’est pas tout à fait un concert ordinaire. C’est une expérience étrange et troublante, et ce disque-ci en est le reflet parfait.


Fondamentalement peu de choses le sépare des autres : les tubes y sont. Mais ils sont toujours interprêtés différemment, selon la couleur que Daho a voulu donner à la tournée. En 1993, il vient de publier un album au succès gigantesque, Paris, Ailleurs , disque enregistré à New-York avec des musiciens funk et rock du cru. Qui bien sûr vont l’accompagner en tournée, ainsi que les indispensables Valentins. Il n’est donc pas étonnant que cet album live ait un groove particulièrement entêtant et une teinte très funky sur des titres comme « Des attractions désastre » ou « Paris, le Flore ». De quoi casser à jamais l’image d’Etienne Daho le chanteur mou et sans voix. Oui parce qu’en plus, il chante, et plutôt très bien ! Aujourd’hui, c’est presque évident. Quand on entend des gens comme Delerm on a l’impression qu'à côté, Daho c’est Pavarotti. Mais à cette époque c’était encore le gros cliché de Daho-chanteur-qui-murmure, une aberration que personne n’a jamais vraiment su expliquer.

Le fait est que cette voix mélodique à souhait, cette basse secouée et omniprésente et ces guitares dansantes transcendent chaque chanson. Celles de Paris, Ailleurs, évidemment, mais aussi les chansons les plus anciennes, « Week-end à Rome » ou « Des heures hindoues » (que je conseille vivement de découvrir sur ce disque plutôt que dans des versions studio qui ont atrocement vieilli). Parfois même, le concert prend un côté presque mystique tant le public et le chanteur semblent en parfaite communion : « Les Voyages immobiles », chanson sublime ici agrémentée de chœurs envoûtants. L’émotion est palpable, comme sur « Quelqu’un qui me ressemble », adorable chanson que Daho annonce comme « une de celles [qu'il] préfère ».

L’ensemble du concert est hanté par des claviers imposants mais subtiles, créant des atmosphères tout en délicatesse et emmenant les chansons les plus pop et énergiques (« Le Grand Sommeil », « Épaule Tatoo », "Un homme à la mer")…

C’est toujours difficile de parler de musique, et encore plus d’écrire dessus. Mais alors écrire sur un album live c’est carrément l’enfer (ne niez pas, vous avez très bien vus que je galérais).

C’est encore plus dur quand il s’agit de parler de Daho. Chaque fois que je le fais j’ai l’impression qu’on va me regarder comme un pestiféré. Combien de fois l’ai-je défendu en ayant l’impression de défendre l’indéfendable ? Quand je faisais de la radio, ce qui ne remonte pas à si longtemps, nous avions reçu un de ses disques et les programmateurs se demandaient s'ils devaient le passer ou pas ! "Non mais vous rigolez les mecs, là ?"... Aujourd’hui j’ai rencontré des gens qui lui trouvaient des qualités, mais quand j’étais plus jeune je me sentais vraiment très seul avec mes disques de Daho, au milieu de tous mes potes rockers et/ou punks. Alors que finalement Daho c’est qui ? Un artiste pop par excellence, au sens nobles du terme. Un pionnier des musiques électroniques. Un producteur de génie qui sut transcender des artistes éminemment plus respectés que lui (Higelin, Françoise Hardy, Brigitte Fontaine, Les Valentins et des dizaines d’autres que j’oublie). Un découvreur de talents (Air, par exemple, à savoir le groupe français le plus connu au monde, n’aurait jamais été signé sans l’aide de Daho). Un musicien génial capable de s’adapter à n’importe quelle époque et à n’importe quelle situation…

… notre David Bowie à nous, finalement, même si ça fait cliché et toutes proportions gardées.


Trois autres disques pour découvrir Etienne Daho :

Pour nos vies martiennes (1988)
Eden (1996)
Corps & Armes (2000-