jeudi 4 mai 2006

Sur la brèche...

[Mes disque à moi (et rien qu'à moi) - N°4]
Adore - The Smashing Pumpkins (1998)

Adore est un disque de rupture. Pas seulement de rupture sentimentale. La rupture d'un homme - Billy Corgan - avec l'univers environnant, comme lorsque que notre petit monde (personnel, affectif... humain en somme) s'effondre pan par pan.

La mort de la mère biologique à peine retrouvée, le divorce, le groupe qui disloque alors que le professionnalisme supplante peu à peu l'amitié... Billy chante tout ça les sanglots coincés en travers de la gorge, mais son chagrin est digne. Pudeur, respect... pas question de sortir les violons (du moins au sens figuré, car des violons, au sens propre, il y en a ici...)

Somptueuse et parfaite chanson d'amour, "To Sheila" donne le ton : calme, contemplatif. Et torturé, aussi... bien sûr. Faussement énergiques, "Ava Adore" et "Apples + Oranges" sont surtout des ballades désincarnées, comme l'ensemble de ces chansons parfois rageuses ("Pug") mais qui désormais ne se cachent plus derrière les oripeaux d'une électricité de plus en plus discrète.

Corgan aime la folk de Dylan et le metal de Black Sabbath, la new wave de The Cure et le rock dur du Gun Club. Mais aussi l'électro-soft de New Order, la pop aérienne de Pink Floyd, le rock FM le plus futé (Fleetwoot Mac, Police). Au carrefour de ces influences parfois antinomiques, Adore évoque donc un Dylan revisité par Joy Division, jonché de pianos langoureux ("Shame", "Blank Page") ou désespérés ("Crestfallen" et son Who am I / To need you when I'm down?). Atmosphérique et sophistiqué ici ("Tear", "Behold! the Nightmare"), totalement dépouillé là ("Dusty Pete", "Once Upon a time").

Forcément le grunge semble loin. Et alors ? Le grunge n'est plus qu'un souvenir de jeunesse. Et ce disque-ci est celui d'un homme mûr qui après les chagrins adolescents découvre les sourdes douleurs de l'âge adulte.

Bien sûr, ce disque n'a pas été compris au moment de sa sortie. Le public l'a boudé. Le public voulait du rock, et assurément ce disque là est tout sauf rock'n'roll. Le drame des Smashing Pumpkins, finalement, c'est d'avoir mûri plus rapidement que leur public.

Adore est un chef-d’œuvre, pourtant. Le disque qui ne me quitte jamais. Je l'ai détesté à la première écoute, adoré à la seconde... depuis j'ai dépassé depuis longtemps le millier de passages sur ma chaîne. Combien de disques rencontrons-nous dans nos vie, qui nous fassent cet effet-là ? Deux ? Trois ? Rarement plus.

En attendant, le temps m'a donné raison. Et sur les sites de fans, on le retrouve régulièrement en tête des classements des meilleurs disques du groupe. Comme quoi le public des Smashing Pumpkins a fini par mûrir lui aussi.

Alors en effet, puisqu’on en parle ici ou là sur le net, il est peut-être temps que le groupe se reforme, finalement...


Trois autres disques pour découvrir les Smashing Pumpkins :

Siamese Dream (1993)
Mellon Collie & The Infinite Sadness (1995)
MACHINA : The Machines of God (2000)