mardi 2 mai 2006

A quoi servent les classiques ?

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Longtemps avant moi, ce fut Italo Calvino (tout de même) qui osa poser cette question pour le moins essentielle : à quoi servent les classiques ?

Combien avons-nous lu de classiques surestimés ?

Combien de fois avons nous été déçus ?

Où se situe l’universalité de l’œuvre ?

Difficile à dire. Wuthering Heights fait partie de ces classiques de la littérature anglaise que j’ai soigneusement évités durant mes études, sans véritable raison, sinon que ça me semblait trop évident. En fouillant dans les manuels de littérature anglophone je découvrais des dizaines d’auteurs totalement méconnus. Bien sûr Emily Brontë figurait dans ces manuels, mais ça me semblait tellement plus intéressant de me lancer dans des terres littéraires inconnues plutôt que de m’envoyer un pavé déjà amplement commenté par une poignées de millions d’autres personnes…

J’y suis donc venu sur le tard, et pour être tout à fait honnête : je ne le regrette pas du tout.

Comme vous le savez sans doute déjà (si vous n’avez pas lu le livre vous avez sûrement vu le film), ce roman nous plonge au cœur de l’Angleterre non pas du XIX e siècle, mais du plutôt du XVIII e, si l’on considère que livre s’ouvre en 1801 et se ferme en 1802 mais qu’entre temps l’essentiel de l’histoire se sera déroulée une quarantaine d’années plus tôt. De là à parler de roman historique, calmons un peu nos ardeurs ! Ces histoires tragiques d’amours et de pouvoirs pourraient tout aussi bien se passer au XXXIII e siècle que ça ne changerait pas grand chose.

Ensuite, ce que vous ne savez pas forcément (en tout cas pas si vous avez vu une version ciné), c’est qu’il s’agit en fait de deux romans en uns. On a une double narration, celle Lockwood (locataire du domaine éponyme) et celle de Mrs Dean, domestique de son état. Dois-je ajouter que ces deux narrations n’ont pas un intérêt majeur ? Je n’ai rien contre les romans à narrations multiples, lorsque celles-ci sont crédibles – or ce n’est pas le cas ici. Pour la simple et bonne raison que j’ai de sérieux doutes quand à l’éventualité qu’une domestique de l’époque emploie strictement le même registre de langage qu’un personnage au rang social plus élevé et censé être plus lettré.

Qu’en retirons nous au final ? Une écriture plutôt agréable mais terriblement vieillie. Mon édition est loin d’être neuve, mais il n’y a pas que le papier qui sent la poussière… l’histoire, les personnages, le style… à se demander si ce livre n’était pas déjà désuet au moment de sa parution.

Évidement c’est un classique. Mais qu’est-ce qu’un classique ? C’est un roman important mais qui l’est finalement moins pour ses qualités objectives que pour ce qu’il représente. Un classique n’est pas fatalement un chef-d’œuvre.

Pour autant je n’irais pas dire que c’est une grosse merde, quand bien même l’avantage du blog (le seul) c’est qu’on y dit à peu près tout ce qu’on veut… mais bon, ce n’est pas une grosse merde, tout au plus un livre quelconque qui occupe une place prépondérante dans le patrimoine culturel britannique. Alors non, je ne vais pas dire que c’est une grosse merde, c’est promis ; je ne voudrais pas manquer de respect à nos amis d’outre Manche, parce qu’il faut bien avoir conscience que dire à un anglais que Wuthering Heights est long et pas très palpitant équivaut à peu près à une situation où un Anglais viendrait nous dire que notre René de Chateaubriand est passablement chiant…

Même si c’est vrai, ce sont des choses qui ne se disent pas.

Pourquoi ?

Mazette ! parce que ce sont des classiques (vous avez rien compris au titre de la chronique ou quoi ???)


Wuthering Heights 
Emily Brontë | Penguin Classics, 1847