mardi 2 mai 2006

Dantec Incorporated

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Résumer l'histoire est un sacré exercice - voir un sacerdoce. Faisons court, donc : nous sommes à la Grande-Jonction (en 2057) une espèce de cité spatiale faisant la jonction (logique) entre le ciel, vers lequel s'enfuient des sortes d’apparatchiks, et la terre, qui se consume lentement... Charmant endroit, et parfaitement dantequien. Le personnage principal, Sergueï, doit assassiner le maire de la ville, et bien sûr les choses ne vont pas du tout se passer comme prévu...

On retrouve ici la plupart des obsessions de l'auteur : décadence de la civilisation, volonté de progrès en berne, politiques ultra-sécuritaires... Avec bien sûr juste ce qu'il faut de scandale : quelques islamistes pas gentils du tout et une affiliation de l'auteur à l'extrême droite devenue officielle. Notons cependant que, dans l'ensemble, c'est quand même plus soft que les précédents romans... En revanche, niveau style, c'est le nirvana néantesque, l'apothéose du n'importe quoi. Honnêtement, il y a des passages où on ne comprend strictement rien de ce qui est écrit. Je parle de nombreuses langues, mais visiblement pas le Dantec (sorte de mélange entre l'anglais, le français, le patois breton et le langage sms, le tout saupoudré d'une bonne dose de parisien de salon) ... ouah! A force de vouloir absolument ne ressembler à personne, il finit surtout par ne plus ressembler à rien. Paradoxalement (je dis paradoxalement parce qu'en général, si le style ne me plait pas, je décroche) l'histoire est vraiment captivante. La force de Dantec, c'est d'être parvenu à signer un très bon livre de SF tout en y glissant ses pensées, préoccupations et revendications - sans jamais que cela semble surfait. On est vraiment fasciné par l'univers de la Grande-Jonction, et l'imagination est réellement au rendez-vous.

Que dire alors... n'étant pas fan de Dantec, je reconnais ne pas maîtriser très bien son univers. En revanche, je suis tout à fait capable d'évaluer les qualités strictement littéraires d'un livre, et force est d'admettre que Cosmos Incorporated ne manque ni de souffle ni d'inventivité... en faisant fi des longues digressions pseudo politiques parfois fatigantes, cela pourrait même être un excellent bouquin pour la plage. A condition (mais cela va sans dire) de ne pas trop perdre de temps à creuser l'idéologie se terrant (pas très profondément) entre lignes.

A vous, donc, de voir ce que vous voudrez faire de ce bouquin peu maniable et de cet auteur qui, de toute façon, continuera de diviser tout le monde avec ou sans mon opinion. Un roman que je qualifierai de "plutôt pas mal". A choisir, et toujours de Dantec, je lui préfère quand même La Sirène rouge, le tout premier, nettement plus..."fréquentable" (dans tous les sens du terme) : à l'époque, Dantec ne se prenait pas pour un idéologue ou un théologien. Il se prenait pour un écrivain. Il voulait devenir Philip K. Dick.

Et c'était quand même vachement mieux !


Cosmos Incorporated 
Maurice G. Dantec | Albin Michel, 2005

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